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Discours de Charlotte Caubel pour l'ouverture du colloque « L’enfant face aux violences dans le sport »

Publié le 13/02/2023 Temps de lecture : 7 minutes

Discours prononcé à l'occasion d'un colloque sur les violences faites aux enfants dans le sport, en compagnie d'Amélie Oudéa-Castéra, Ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques.

Ce colloque a réuni près de 300 personnes, professionnels du monde sportif et de la protection de l'enfance, éducateurs, médecins, sportifs, témoins, pour mieux prévenir et lutter contre tous les phénomènes de violence envers l’enfant dans le sport, sur les terrains, dans les clubs. 

Seul le prononcé fait foi

Madame la ministre, chère Amélie,
Madame la présidente du Comité national des violences intrafamiliales,
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,

Merci Madame la Présidente pour ces mots qui ouvrent un colloque que je suis heureuse d’accueillir dans ces lieux qui abritent notamment mon ministère mais aussi la défenseurs des droits et de nombreux services de la Première ministre. 


Le président de la République a fait de la protection de l’enfant - la protection de tous les enfants – une priorité du quinquennat. La 1ère ministre, à l’occasion du comité interministèriel de l’enfance du 21 novembre dernier a fixé comme 1er objectif à l’ensemble de son gouvernement la lutte contre les violences faites aux enfants.
Il faut dire que la réalité de ce que vivent au quotidien de trop nombreux enfants est indigne d’un pays comme le nôtre.


La commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faite aux enfants évalue à au moins 160 000 mineurs victimes chaque année de violences sexuelles.
1 enfant meurt de violences dans sa famille tous les 5 jours.


8 familles sur 10 reconnaissent exercer occasionnellement au moins des violences éducatives ordinaires.
On pourrait évoquer les violences numériques, le harcèlemnt scolaire…


Le monde du sport n’est pas épargné, nous le savons.
Une étude réalisée dans 6 pays de l’union européenne a conclu que 3 enfants sur 4 pratiquant un  sport seraient victimes de violences. 

Chère Amélie : il était donc crucial pour toi comme pour moi que nous puissions aujourd’hui nous réunir, écouter, apprendre, et, surtout, envisager comment mieux prévenir et lutter contre tous les phénomènes de violence envers l’enfant dans le sport, sur les terrains, dans les clubs. 

Nous en sommes tous convaincus : l’activité sportive et physique est intimement liée au développement de l’enfant, et en premier lieu à son apprentissage psychomoteur. Elle favorise la prise de conscience de son corps et la perception de celui-ci dans l’espace. Le sport permet, aussi, sur le plan psychologique, à chaque enfant de gagner en confiance, en autonomie, en persévérance, en somme de grandir. Enfin, et notamment dans le cadre d’une activité pratiquée en club, l’activité sportive participe de la socialisation des enfants et des adolescents, de l’apprentissage des normes et du respect de l’autre, préparant ainsi les citoyennes et citoyens de demain. 

Facteur de réussite scolaire, vecteur de cohésion sociale, le sport pour nos enfants doit aussi, évidemment et assurément, garantir santé et bien-être. Rappelons-nous-en 2016 cette étude alarmante de la Fédération française de cardiologie qui soulignait : 

  • La perte, en 40 ans, pour nos collégiens de 25% de leur capacité physique – concrètement en 1971, il fallait 3 minutes à un enfant pour courir 800 mètres ; en 2013, c’était 4 minutes ! ; 
  • L’augmentation du surpoids et de l’obésité, avec une surreprésentation des filles et des enfants issus des milieux défavorisés. 

Cette étude date de 2016… et l’on sait combien depuis, la COVID et les confinements ont lourdement pesé sur la santé physique et mentale des enfants. 

Oui, la pratique sportive est essentielle, oui, elle est vitale pour nos enfants : c’est précisément pour cette raison que nous ne pouvons tolérer la moindre violence à l’égard de celles et ceux qui, parce qu’ils sont encore des sujets en construction, sont des proies faciles pour les prédateurs en tous genres !

De la brimade, physique ou morale, à l’insulte, au harcèlement, à l’agression, au viol… exercées par un pair ou par un adulte … les violences dont sont victimes certains enfants ont plusieurs visages et nous allons aujourd’hui écouter des témoignages dont je salue le courage. Nous allons aussi entendre des spécialistes qualifier précisément les traumas engendrés par ces violences. Mais je voudrais déjà que l’on essaie de se figurer : 

  • Le poids pour un enfant, pour un adolescent, d’attentes parfois démesurées , qu’elles soient celles des parents ou de l’entraineur, de l’équipe; 
  • Le poison lent et insidieux de l’emprise qui mine la confiance en soi ; 
  • La déflagration que provoque pour un enfant le viol de son intimité par une personne en qui il a confiance, en qui il voit parfois un modèle à suivre, une figure substitutive de ses parents. Je songe, en particulier, aux enfants en situation de handicap, plus vulnérables encore, dont on sait qu’ils sont les premières victimes de violence … et pour lesquels pourtant la pratique sportive est l’alliée d’une valorisation de soi et d’une inclusion toujours plus grande. 

Essayons enfin de nous représenter le choc et le sentiment de culpabilité pour des parents qui ont en quelque sorte, malgré eux et en toute confiance, « livré » leur enfant à son agresseur. 

Il n’y a néanmoins pas de fatalité à ces violences et je suis plus que jamais convaincue qu’elles reculeront : 

  • D’abord, parce que nous sommes nombreux aujourd’hui, ce qui est le signe de notre mobilisation collective ;
  • Ensuite, parce que nous sommes issus d’horizons divers (puissance publique, partenaires des ministères tels le CNOSF, associations et collectivités territoriales, autorités indépendantes, en l’occurrence le Défenseur des enfants, cher Éric Delemar, les professionnels de la santé et bien sûr actrices et acteurs « sportifs » de terrain …), ce qui marque notre détermination commune ; 
  • Parce que comme beaucoup d’autres éducateurs, les entraineurs et professionnels du sport ont un engagement exceptionnel au service des enfants et des jeunes.
  • Enfin, parce que nous avons déjà progressé sur les volets de la prévention et du repérage comme sur celui de l’accompagnement des victimes. 

La ministre, chère Amélie, détaillera dans quelques instants quelques-unes des avancées les plus significatives que son ministère porte résolument. 

Pour ma part, je vous confirme que naitra cette année, dans le sillage de la préconisation 3 de la CIVIISE que préside Edouard Durand, que je salue, une cellule interministérielle de soutien et de conseil pour les professionnels destinataires de révélations de violences sexuelles de la part d’enfants : pour que personne ne reste isolé, pour que chacun se sente soutenu, lorsque l’on est confronté à l’horreur de révélations, et que l’on ne sait comment faire. Car je le redis et je mesure le poids de cette responsabilité : nous avons besoin de chaque éducatrice et éducateur sportif pour repérer les violences commises, y compris celles qui sont perpétuées en dehors du cadre sportif. Cette cellule sera aux côtés de l’ensemble des professionnels et donc aux côtés de celles et ceux qui œuvrent quotidiennement pour encourager, développer, rendre possible la pratique sportive des enfants et des adolescents de ce pays. 

Le travail de cette cellule sera adossé à un vaste plan de formation inter-ministériel et inter-professionnel déployé à partir du remarquable livret de formation et du court-métrage, « Mélissa et les autres », conçus par la CIVIISE. L’ensemble des ministères, dont le vôtre, chère Amélie, sont en train d’y travailler, j’aurai l’occasion de le présenter plus en détails d’ici le mois de juin.

Qu’il me soit permis, pour conclure, de remercier : 

  • L’ensemble des personnes qui ont contribué à l’organisation de ce colloque, la CNVIF bien sûr mais aussi, chère Amélie, votre cabinet qui a travaillé de concert avec le mien pour rendre cet événement possible ; 
  • L’ensemble des intervenants ;
  • Et, puis vous qui êtes présents parce que vous êtes la promesse que les violences infligées à certains enfants cesseront.

C’est avec Gymnaste, le « coach » de Gargantua et ses pratiques à rebours de la violence de ses précédents précepteurs que le jeune héros de Rabelais s’est réapproprié son corps et a gagné son autonomie intellectuelle et affective. En cela, Rabelais, déjà, illustrait le pouvoir curatif et restaurateur du sport. Aujourd’hui encore, nos clubs sont peuplés de Gymnaste – 
Formons le vœu que tous les enfants deviennent des petits sportifs gargantuesques c’est-à-dire bien dans leur corps sain, avec un esprit sain, entourés de cette si belle solidarité d’équipe  qui anime au quotidien le sport français !